Les 10 raisons pour lesquelles se faire vacciner
D’après la publication du Pr Adam Finn (pédiatre au Bristol Children’s Vaccine Centre, Université de Bristol, Royaume-Uni) et publié dans The Guardian du 26 décembre 20. Traduit et adapté par Benjamin Wyplosz (CHU Bicêtre).
1. Les plans de réponse pandémique étaient prêts
Bien avant que la crise de la COVID-19 ne survienne, des plans de réponse pandémique avaient été préparés pour répondre à une crise sanitaire exceptionnelle. Des gouvernements, des agences internationales et des fondations d’utilité publique s’étaiententendus pour mettre leurs forces en commun dans ce but. La CEPI ou Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (Coalition for Epidemic Preparedness Innovations) a été lancée en 2017 et était fin prête quand le SARS-CoV-2 a émergé en Chine en 2019. Ainsi, plusieurs firmes privées et institutions publiques, parmi lesquelles BioNTech, Moderna et l’Université d’Oxford, travaillaient depuis plusieurs années sur de nouvelles techniques permettant de produire des vaccins en se basant uniquement sur le code génétique de nouveaux agents pathogènes.
2. La Chine a identifié très rapidement le SARS-CoV-2
Le professeur Yong-Zhen Zhang de l’Université de Fudan (Shanghai) et ses collègues chinois ont rapidement obtenu le matériel génétique du nouveau coronavirus responsable de la COVID-19. Ils ont promptement élucidé les séquences génétiques de son ARN et ont rendu cette information publique. Cela a permis de lancer une recherche vaccinale sans nécessité de cultiver le virus puisque les vaccins à ARN ou à vecteurs viraux sont basés uniquement sur la séquence nucléotidique du virus (le code génétique présent dans toutes les espèces vivantes allant des virus aux baleines et qui sont comme une succession de lettres comme celles qui composent un message écrit). Ces nouvelles méthodes de production vaccinale sont un tel progrès qu’elles pourraient même permettre de fabriquer un vaccin contre un agent infectieux qu’on ne saurait pas cultiver et dont on ne connaîtrait que le code génétique.
3. Une levée de fonds très rapide
Les développeurs de vaccins ont immédiatement eu accès aux fonds nécessaires au démarrage des études. En temps normal, cela prend beaucoup de temps de lever les sommes nécessaires pour développer un nouveau vaccin : il faut persuader les conseillers des agences de financement, les mécènes, etc. que vos idées et vos projets sont intéressants voire rentables. Si vous travaillez chez un industriel, il faut convaincre votre hiérarchie d’investir dans vos projets. Mais les coûts économiques et humains d’unepandémie permettent aux investisseurs de se baser sur des hypothèses de travail sérieuses, et la CEPI a justement été créée pour promouvoir immédiatement les projets les plus prometteurs.
4. Les processus de recherche ont été accélérés
Les processus d’écriture des protocoles d’essais cliniques et le temps pour obtenir les autorisations de lancement ont été accélérés. Ces étapes sont habituellement très lentes, en grande partie parce que les comités d’éthiques et les autorités sanitaires examinent les projets dans leur ordre de soumission, ce qui a pour conséquence de nécessiter plusieurs mois pour obtenir une réponse. En cas de pandémie, les chercheurs ont travaillé en dehors des heures habituelles de travail et ont engagé des personnels supplémentaires pour les aider. Les comités ont vu en priorité les projets de réponse pandémique et ont pu y apporter des réponses dans les 24 heures après une soumission. Chacun a redoublé d’effort pour que les projets d’études vaccinales soient traités en priorité.
5. Les essais vaccinaux n’ont pas traîné pour débuter
Des équipes rompues à la recherche vaccinale se sont mises à la tâche à toute vitesse. Au Royaume-Uni, il y avait déjà 4 centres de recherche en vaccinologie prêts à évaluer immédiatement le vaccin de l’Université d’Oxford sous la coordination de l’Institut national pour la recherche en santé (National Institute for Healt Research) tandis que 14 autres sites supplémentaires ont été identifiés pour débuter les essais de phase 2-3.
6. Les données ont été recueillies par voie électronique
Des techniques modernes de saisies des données de recherche ont été employées. La recherche clinique a été assez lente à utiliser des méthodes de saisies électroniques pour collecter les données issues de la recherche pour des raisons de sécurité et de confidentialité. Les cahiers de saisies des données étaient en papier et permettaient de vérifier la qualité de saisie des données sur des supports solides avec pour revers, un ralentissement des procédures et des risques d’erreurs de saisies électroniques aumoment de l’analyse. La recherche a fini par emboîter le pas à d’autres secteurs qui sont passés plus vite au numérique. Ainsi, vous pouvez acheter un billet d’avion en ligne avec un formulaire prévu pour empêcher qu’un certain nombre de bévues ou d’omissions ne se produisent avant votre achat. Cela faisait plusieurs années que le secteur de la recherche s’employait à utiliser des processus informatiques analogues permettant des saisies directement sur un ordinateur ou une tablette électronique sans passer par un formulaire en papier, réduisant fortement du même coup les erreurs de saisies et les omissions. Les informations saisies avaient aussi pour conséquence immédiate d’être disponibles pour des analyses au fil de l’eau.
7. Les études vaccinales ont eu un engouement immédiat
Il y a eu un soutien massif du public qui s’est engagé dans les études vaccinales. De nombreuses personnes se sont rapidement portées volontaires pour participer à la recherche. Habituellement, le recrutement de volontaires prend des mois mais pour ces études, il n’a fallu que quelques heures grâce à une promotion de la recherche vaccinale dans les médias et les réseaux sociaux et la possibilité de s’inscrire en ligne en quelques minutes. Sans l’engouement de ces volontaires, il n’aurait pas été possible de débuter les essais vaccinaux aussi vite.
8. Les études ont très vite donné des résultats exploitables
Pour évaluer l’efficacité d’un vaccin, il faut être en période de circulation virale. Or, malgré un procédé rapide de production de vaccins, ils n’étaient pas prêts avant la fin de la 1re vague. Le taux d’infection dans la population a alors considérablement diminué – au cours de l’été 2020 – c’était une bonne nouvelle pour la santé publique, mais pas pour le lancement d’études vaccinales. Il faut, en effet, pour évaluer l’efficacité d’un vaccin, qu’il survienne des contaminations chez les sujets des groupes vaccinés et placebo afin de pouvoir mesurer la protection conférée par le vaccin. Si personne ne se contamine, impossible d’espérer montrer qu’il y a une réduction du nombre de cas chez les sujets vaccinés par rapport à ceux qui ont reçu un placebo. L’arrivée de la 2e vague a été un défi majeur pour le système de santé mais a permis d’évaluer rapidement l’efficacité des nouveaux vaccins.
9. Les premiers essais vaccinaux ont bien fonctionné
Il est plus facile et plus rapide d’évaluer un vaccin très efficace qu’un vaccin faiblement efficace. En effet, un vaccin efficace à 100 % ne nécessite que la survenue de 20 cas d’infection dans le groupe placebo et aucun cas dans le groupe vacciné pour conclure. À l’inverse, un vaccin peu efficace prend plus de temps pour montrer qu’il prévient des cas. Par exemple, si la différence de survenue des cas entre les groupes vaccinés et placebo est moins grande (par exemple 7 cas dans le groupe vacciné et 13 cas dans le groupe placebo), on peut toujours craindre que cette différence soit due au hasard et qu’en réalité le vaccin ne soit pas efficace. Vous devez attendre qu’un plus grand nombre de cas surviennent dans les 2 groupes d’étude pour calculer la protection conférée par le vaccin (par exemple 70 cas et 130 cas respectivement) mais cela prend du temps, parfois beaucoup de temps si l’épidémie ralentit à nouveau. Comme les premiers vaccins testés ont tout de suite réduit le nombre de cas presque à zéro chez les sujets vaccinés, il n’a pas fallu beaucoup de temps pour savoir qu’ils étaient de bonne facture.
10. Les évaluations ont été faites en continu.
En utilisant la méthode de révision en continu ou « rolling review », les agences d’évaluation des médicaments ont pu approuver les premiers vaccins beaucoup plus vite qu’avec les méthodes traditionnelles. Normalement, les industriels attendent la fin desessais thérapeutiques pour soumettre toutes les données aux agences d’évaluation. Le processus complet prend des mois. L’ensemble des données est ensuite évalué par des experts, ce qui prend encore des mois. Mais cette fois-ci, les données ont été présentées aux agences au fur et à mesure de leur acquisition selon la méthode novatrice appelée
« rolling review ». Quand les résultats finaux sont sortis, tout le reste avait déjà été évalué par les agences d’évaluation. Cela n’a pris que quelques jours pour les approuver au lieu des mois habituellement requis.
Mais les autorisations de commercialisation ne sont pas le but ultime, il faut ensuite produire les vaccins en grande quantité pour répondre à la demande. Dans le processus commun, les industriels ne produisent pas à grande échelle un nouveau médicament tant qu’ils ne sont pas certains d’obtenir les autorisations de commercialisation. Mais cette fois, les industriels ont pris des risques et on produit les vaccins en quantité nécessaire pour alimenter le marché. On voit donc que si nous sommes aujourd’hui sur le point de pouvoir protéger par la vaccination les plus vulnérables d’entre nous et ceux qui sont le plus exposés avec des vaccins modernes, ce n’est pas en ayant brûlé des étapes de production mais c’est en combinant une approche visionnaire de la vaccination, un gros travail de recherche commencé très en amont de la pandémie et un peu de chance.
Découvrez le témoignage d’Emmanuelle Hoche, ancienne patiente du Centre de lutte contre le cancer Henri Becquerel
Vous avez décidé de vous faire vacciner contre la COVID-19. Cela a-t-il été une évidence pour vous ?
Même si j’ai toujours été sensible à la vaccination en général et que je me fais vacciner chaque année contre la grippe ou lorsqu’un voyage à l’étranger le nécessite, je ne vous cache pas qu’au début, pour ces nouveaux vaccins, je ne me suis pas précipitée.
Je me demandais si le vaccin serait dangereux pour moi, s’il était vraiment prêt pour une mise sur le marché, s’il était efficace… le genre de questions que l’on peut se poser lorsque l’on n’est pas issu(e) du milieu médical.
Puis j’ai réfléchi et je me suis dit que des moyens humains et financiers exceptionnels étaient mis en place pour faire accélérer la recherche. Il devenait alors logique que l’on obtienne des résultats plus rapidement.
Comme j’avais besoin d’informations plus fiables que ma seule réflexion, j’en ai discuté avec des médecins du Centre Henri Becquerel. Ils étaient plus que favorables et mêmes impatients de pouvoir se faire vacciner eux aussi. Quant à mon médecin généraliste, elle n’a fait que confirmer et m’a également parlé du fameux “bénéfice-risque” des traitements, dont on entend beaucoup parler lorsque l’on traverse un cancer.
Comme j’ai confiance en “mes” médecins, il n’en a pas fallu davantage pour me convaincre de passer à l’action.
Est-ce à dire qu’aujourd’hui, vous recommandez à tous de se faire vacciner ?
Je ne me sens pas légitime pour conseiller qui que ce soit de se faire, ou non, vacciner. En revanche, je suis convaincue que j’ai fait le bon choix et que si c’était à refaire, je le referais sans hésiter.
Au-delà de mon intérêt personnel, je pense à mon entourage, ma famille, mes amis, mes collègues et toutes les personnes que je suis amenée à côtoyer. J’ai également une pensée sincère pour tous les soignants qui ont besoin que nous les aidions en évitant, a minima, les formes graves de la COVID-19.
Se faire vacciner, c’est contribuer à lutter, chacun à son niveau, à un effort collectif pour sortir de la pandémie. C’est un engagement civique, au même titre que le respect des gestes protecteurs que nous connaissons tous.
Un dernier mot pour les personnes qui liraient cette interview ?
Se faire vacciner, c’est mettre toutes les chances de son côté pour retrouver au plus vite, les réunions de familles, les soirées entre amis, les stades, les salles de spectacles, les restaurants, les vacances… C’est choisir de profiter de la vie.